Solanor, Semaine 1, Jour 4
Temple des saisons

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Le souffle court, la démarche hésitante, une corruption monte en lui. L'inquisiteur marche, titubant par moment, il n'arrive pas à penser à autre chose qu'à cette arme, cette épée arrachée dans l'antre des ruines de Sombrevallon, qui le consume constamment. Son âme, sa santé en prend un coup à chacun de ses pas.  

Il avance, perdu dans la forêt d'Aurorafleur... Soudain, il se souvient de ce chemin, pris il y a des années, une douleur dans la poitrine le paralyse, il tombe contre un arbre. Son visage se défigure sous la grimace, puis, il s'appuie sur cet immense cèdre et se relève. Il avance, péniblement mais déterminé. Sa dernière potion curative ne fait plus effet, cet arme, dont il ne peut se défaire, avec laquelle il est liée par un serment sacré auprès des Sentinelles, il ne peut pas la poser, s'en débarrasser, une force l'en empêche. Elle est accrochée à sa ceinture, le métal cliquetant à chacun de ses pas.

Ce lieu lui est familier... Mais il a du mal à remettre un souvenir, peut-être ? Non, c'était surement une de ses missions. Il continue d'avancer, les arbres se ressemblent tous, connait-il vraiment le chemin ou est-ce son imagination qui lui joue des tours ?

Les arbres s’écartent peu à peu, dévoilant un cercle de pierres moussues, veillées par d’anciens cèdres qui tendent leurs branches comme des bras menaçants. Le lieu dégage une énergie familière, une aura âcre et ancienne, qui frôle sa conscience et ravive des souvenirs douloureux.

L’inquisiteur ralentit, sa main crispée sur la garde de l’épée maudite. Ce cercle... Il s’en souvient maintenant. Ici même, il avait exécuté un jugement, il y a de cela bien des années. Un druide renégat, accusé de sorcellerie noire, avait été immolé sous ses yeux. Le crépitement des flammes, les murmures du vent chargé de reproches… Les membres du cercle druidique avaient protesté, leur résistance ancrée dans chaque pierre de ce sanctuaire. Mais les ordres de l'Inquisition étaient clairs : purifier la corruption, éradiquer toute menace.

Une douleur sourde monte dans sa poitrine, se mêlant au poids déjà écrasant de l'épée. Son souffle se fait plus erratique ; ses jambes, comme du plomb, se dérobent sous lui. À chaque pas, ses souvenirs deviennent plus précis, comme autant d'épines qui s'enfoncent dans son esprit.

Un frisson le traverse lorsque son pied heurte la pierre centrale, le cœur du cercle, où la sentence avait été rendue. Les murmures s'intensifient, les voix du passé résonnent dans l'air comme des échos étouffés. Il entend les cris, les implorations, les malédictions profanés par le druide.

Ses mains tremblent, il tente de se détourner, mais ses jambes refusent de bouger. Ses yeux se voilent, son esprit s'embrouille. La forêt, le cercle, les visages indistincts des druides d'autrefois… Tout semble se mêler en une spirale vertigineuse.

Et puis, c’est le noir. L'inquisiteur s'effondre, ses genoux heurtent violemment la terre sacrée. Sa main se desserre, lâchant l’épée qui chute à ses côtés, son métal frappant le sol avec un son sourd.

Il est inconscient, le visage figé dans une grimace de douleur, comme une statue abandonnée par le souffle de vie. Dans le silence qui s'installe, le vent se lève doucement, et les murmures druidiques semblent reprendre, comme un jugement rendu au cœur même de ce sanctuaire oublié.

Lenaniël discute joyeusement avec ses deux compères tandis qu’ils se dirigent vers le cercle druidique situé à proximité du temple. Leur trio a vérifié plusieurs lieux pour s’assurer que l’équilibre naturel et les protections mises en place sont correctement maintenus et Lena en a également profité pour récolter des herbes et autres végétaux qu’elle a déposés dans les paniers portés par un poney. Alors qu’ils approchent du cercle, le trio ralentit en découvrant une forme au sol et s’échange des questions intriguées.

Face à l’absence de réponses, Lena s’approche de l’homme et s’accroupit à ses côtés, portant sa main à son cou pour vérifier s’il est encore vivant ou non. Percevant un pouls faible, elle transmet l’information aux deux autres membres. Puis elle porte son attention sur le visage de l’inconnu, pensive face à la douleur affichée, avant de grimacer. Ces traits lui sont familiers et la renvoie brutalement quelques années auparavant. Facétieux destin qui les fait de nouveau se rencontrer à l’endroit même où elle s’était dressée contre son jugement. Protestation qui a failli l’envoyer visiter les geôles de l’Inquisition, car elle est certaine d’avoir affaire à cet inquisiteur-là. Affiliation confirmée par le médaillon de l’ordre accroché à son cou. Elle se redresse et se tourne vers ses confrères.

- Il faut le transporter au temple, voyez si vous pouvez le porter sinon utilisons notre poney.  

L’armure et l’équipement de l’inquisiteur n’aide pas dans la manœuvre et Lena souhaite lui retirer ses armes mais lorsqu’elle défait celles-ci, elle ressent une étrange et désagréable impression avec l’épée. Ils parviennent à le hisser sur la monture et à rentrer au temple. Une fois arrivés, Lena demande à ce qu’il soit conduit dans une chambre individuelle, principalement à cause de ce qu’elle a ressenti plus tôt avec l’arme et qu’elle préfère éviter d’exposer d’autres blessés à… Elle ne sait pas quoi. Elle relègue ses questions dans un coin de son esprit et pose les armes sur la table de la chambre, située à proximité de la porte. Puis, avec l'aide de novices, elle entreprend d’enlever l’armure et tout ce qui la gênerait pour les soins.

Certes, ils ont eu des différends, néanmoins elle n’a rien comme lui personnellement, seulement contre les jugements punitifs et l’aveuglement dont il semble faire preuve. Après avoir libéré les aides, elle prépare les potions dont elle pourrait avoir besoin avant d’entreprendre un examen corporel. Elle ne remarque aucune blessure physique alors elle décide de faire appel à la magie pour se plonger dans une analyse psychique du mal qui s’attaque à l’inquisiteur. Elle prend une profonde inspiration et tisse la magie pour se connecter à ce qui n’est pas visible. Rapidement, elle perçoit une résistance, quelque chose s’oppose à sa manœuvre, quelque chose qui véhicule la même sensation que l’épée. Ce qui la laisse perplexe, cependant elle poursuit, ne s’avouant pas vaincue.

Elle finit par discerner un schéma d’ensemble, une force qui s’enroule autour de la psyché du blessé, tel un figuier étrangleur. Sans en connaitre davantage sur ce mal, Lena considère ne pas être en mesure de prodiguer des soins efficaces. Néanmoins, elle décide de ralentir la progression et appose des combinaisons de runes à des emplacements stratégiques sur le corps de l’homme. Celles-ci s’estomperont au fur et à mesure que leur influence diminuera. Une fois son travail terminé, la druide se redresse et constate avoir perdu la notion du temps. Elle s’étire pour chasser les tensions et décide de quitter la chambre, l’inquisiteur n’ayant toujours pas repris connaissance. Pourtant elle s’arrête devant cette épée intrigante et se penche pour l’observer plus attentivement.

Une sensation étrange, ses paupières sont lourdes. Une douce lumière, un lent mouvement de tête, il sent comme une pression dans son esprit, mais sa respiration est revenue normale. L'étreinte autour de sa poitrine, le mal dans son corps a cessé, ou en tout cas a diminué, il se sent mieux, encore faible, très faible même, mais il ne se sent plus comprimé dans un carcan magique, indicible qui lui fait perdre ses forces. Il se remémore sa rencontre avec les sentinelles, son serment. Les aider à purifier le monde du mal, des péchés, à rendre cette terre meilleur pour les générations à venir. Et cet arme, le fléau des dieux, censé rendre justice mais qui le consume lentement.

Il observe autour de lui, une chambre, de la pierre, du bois, une odeur fleurie. Des plantes sont déposées un peu partout comme pour chasser les sorts, comme pour servir de protection. Dans un coin, un petit tabouret en bois, émoussé par le temps, il semble fixé, figé ici comme s'il faisait parti d'un cycle naturel, d'un ensemble hors du temps, hors des maléfices.

Puis, ses yeux se baladent au fond de la chambre, il commence à percevoir une forme. Une femme ? Une longue crinière brune, les cheveux en cascades qui descend le long du dos, des brindilles et des feuilles qui s'enroulent autour de certaines mèches et une tenue légère qui fait pensé aux druides. C'est donc un cercle druidique ou une sorcière isolée ?

Quoiqu'il en soit, il l'a voit penchée au dessus de son épée. Il veut se redresser mais les forces lui manquent. Sa main semble figée et seul son index bouge lorsqu'il tente un mouvement d'alerte.

Dans un effort presque douloureux, il parvient à légèrement incliner sa tête trouvant dans sa gorge une force insoupçonnée.. "Non ! Elle est mau... maudite..." A bout de force, sa tête retourne à sa place initial, mais son souffle n'est pas court. Il sent toutefois une douleur en lui, stigmate de ce maléfice, de ce lien qui l'unie aux sentinelles et à cette arme.